IMG_6839

French Assurtech : réinventer l’assurance de demain

Avec le double enjeu d’aider les principaux leaders des mutuelles d’assurance niortaises à préparer l’avenir et faire collaborer des concurrents autour d’objectifs communs, French Assurtech a tout d’un dispositif aussi complexe qu’ambitieux. C’est pourtant le défi relevé par Startup Palace.

Début 2018, l’accélérateur French Assurtech a vu le jour avec le pari fou de faire collaborer les leaders de mutuelles d’assurance niortaises, traditionnellement concurrentes sur certains domaines, dans un principe de coopétition pour inventer l’assurance de demain.

Un dispositif pour lequel nous avons eu l’honneur d’apporter notre expertise et notre savoir-faire pour en définir les contours et auquel nous continuons d’apporter notre soutien en animant le programme d’accélération.

LE CONTEXTE

French Assurtech est né de deux observations.

Premièrement, la Communauté d’Agglomération du Niortais (la CAN, aujourd’hui appelée NiortAgglo) a effectué le constat suivant : Niort est la 4ème place financière de France grâce au rayonnement national des mutuelles d’assurance locales (50% de la population sociétaires et 12 millions de foyers couverts) mais aucune synergie de taille n’a émergé depuis la naissance d’IMA en 1981. Si les mutuelles sont parfois concurrentes sur des marchés comme l’automobile, l’habitation ou encore les assurances vie, certaines de ces mutuelles sont historiquement des émanations de la MAIF, la pionnière. Par exemple, la MAAF, qui s’appelait autrefois la MAAAF (Mutuelle d’Assurance Automobile Artisanale de France) a été fondée en 1950, sur le modèle et avec l’aide de la MAIF.

Parallèlement le marché de l’emploi niortais est assez dépendant des mutuelles puisqu’elles représentent environ 25% des emplois locaux. Pour éviter de mettre en péril ces emplois avec notamment l’arrivée de la robotisation des traitements des dossiers, la CAN estimait qu’il était devenu indispensable que ces acteurs commencent à se rapprocher et à discuter entre eux.

Deuxièmement, il s’agit d’une observation plus sectorielle. Beaucoup d’activités “traditionnelles” comme la banque, l’hôtellerie ou encore les transports n’ont pas su identifier et adresser suffisamment tôt les modifications de leur marché et les nouvelles demandes de leurs clients, cédant ainsi toutes les opportunités business et innovation aux GAFA ou à des startups. Or, le secteur de l’assurance est aussi en prise à ces changements de paradigmes avec l’arrivée de nouvelles technologies comme la voiture autonome, les pics de sinistralité en cas d’intempéries qui se font de plus en plus violentes ou de nouveaux services comme Airbnb qui impactent considérablement le métier d’assureur. D’autant que le secteur voyait déjà émerger de nouveaux acteurs comme Alan, qui a obtenu son agrément ACPR il y a maintenant 3 ans, faisant ainsi sauter une barrière réglementaire historique. Plus récemment, fin 2019, c’est la startup Seyna qui a obtenu l’agrément pour… créer des assurances.

Pour éviter de subir le même sort, les mutuelles ont donc décidé de prendre les devants en exprimant la volonté de travailler, non pas contre, mais avec les startups.

C’est ainsi que la MAIF, MAAF COVÉA, Groupama Centre-Atlantique, IMA, la MACIF, le Medef des Deux-Sèvres et NiortAgglo ont créé conjointement l’association Le Phare, pour concrétiser l’union sacrée des principaux acteurs économiques niortais et impulser une dynamique collective avec trois objectifs :

  • Améliorer l’attractivité du territoire
  • Créer un lieu totem dédié à l’écosystème numérique niortais
  • Trouver des manières de collaborer avec les startups

Des réflexions qui ont toutes convergé vers la mise en place d’un accélérateur de startups.

DE L’IDÉE AU LANCEMENT DE L’ACCÉLÉRATEUR

Mais entre la théorie et la mise en oeuvre, il y a plusieurs obstacles que Le Phare se devait de franchir pour atteindre ses objectifs.

En tête, la multiplicité des acteurs impliqués. Ce qui constituait la principale force de l’association est finalement devenue l’un des freins les plus importants : porter conjointement un projet tel qu’un accélérateur de startups requiert de la coordination entre tous les acteurs mais également un langage commun. Si cela paraît évident, ce n’est pourtant pas aussi simple à mettre en oeuvre puisque les profils et les structures représentés sont très hétérogènes.

Ensuite, malgré les implications métiers et les perspectives pour le futur d’un tel dispositif, un accélérateur de startups est un projet parmi tant d’autres pour les mutuelles, la ville de Niort et le Medef. Ce qui pose les questions suivantes : Combien de temps et de ressources faut-il y consacrer ? Et comment les déterminer ? Comment organiser un parcours “fast track” pour répondre à la nécessaire rapidité demandée par les startups ?

S’ajoute à cela le côté “inédit” de ce dispositif pour les acteurs de Le Phare, qui implique naturellement un manque de compétences et de savoir-faire en matière d’accélération de startups. L’équation se complexifie nettement !

LA RÉPONSE

Choisi pour opérer le programme d’accélération dans le cadre d’un appel d’offres, Startup Palace s’est immergé dans l’écosystème niortais pour mesurer l’ampleur des problématiques. Pour répondre au mieux aux attentes et enjeux du territoire et des acteurs économiques locaux, nous avons structuré notre accompagnement en trois étapes clés.

1/ Orientation et co-conception

L’objectif de cette étape consiste à définir les contours exacts de l’accélérateur et d’en définir la proposition de valeur. Pour y parvenir, nous avons constitué un “groupe technique” constitué de 15 représentants de l’association Le Phare dans le but de co-construire un cahier des charges précisant :

  • Les objectifs du dispositif,
  • Les ressources humaines nécessaires à son bon fonctionnement,
  • Le “why” de l’accélérateur,
  • Les terrains de jeu mis à disposition des startups par l’accélérateur,
  • La proposition de valeur de l’accélérateur.

Cette étape était aussi l’occasion de repréciser ce qu’est réellement une startup, les défis auxquels sont confrontés les accélérateurs, définir un langage commun et surtout de challenger la capacité et la volonté de l’association de porter un tel dispositif. Avec 2616 accélérateurs à l’international (étude Roland Berger), une tendance à en créer toujours plus et un vivier de startups qui reste à peu près constant, porter un accélérateur c’est évoluer dans un Océan Rouge.

Pour être vraiment pertinent, cet accélérateur devait donc attirer les bonnes startups et les bonnes startups vont dans les bons accélérateurs. Le Phare avait pour obligation de trouver un modèle d’accélérateur qui ait du sens et de la valeur pour les startups : faut-il systématiser les prises de participation ? Les POC sont-ils garantis ? Quel niveau de proximité avec les mutuelles ? Quelles verticales métiers sont prioritaires ? etc.

Ces discussions, appuyées par les recommandations de Startup Palace, ont ainsi abouti sur la rédaction du cahier des charges validé par l’ensemble des parties prenantes.

2/ Sourcing

Avant d’entamer les démarches de sourcing à proprement parler, il nous paraissait important de mettre une emphase importante sur le branding. Pour faciliter les efforts de communication et améliorer l’attractivité du dispositif, deux identités de marques fortes ont été créées :

  • Niort Tech, qui a remplacé “Le Phare” pour les communications grand public. Objectif : fédérer, dynamiser et travailler l’attractivité de l’écosystème numérique niortais,
  • French Assurtech, l’accélérateur de l’assurtech.

Une fois ces marques créées, nous avons mis en place différentes actions pour inciter les startups à postuler au premier appel à projets de French Assurtech. À savoir : contacter directement des startups évoluant sur les verticales métiers identifiées comme prioritaires par les mutuelles, promouvoir le dispositif à travers des événements, des salons des relations presse et du social ads.

Au total, 72 startups ont candidaté pour la première édition de French Assurtech. Parmi elles, 20 ont été pré-sélectionnées, 15 ont pitché lors d’un jury final et 5 ont été retenues pour intégrer le dispositif. Une promotion restreinte pour faciliter l’intégration de French Assurtech dans le quotidien des mutuelles, notamment celui des parrains et marraines attribués aux startups qui doivent assurer le suivi de ces dernières.

3/ Accompagnement

Après une étude approfondie des besoins, du niveau de maturité des startups retenues et des synergies possibles avec les mutuelles, Startup Palace a défini un plan d’accompagnement destiné à répondre aux besoins des startups et des mutuelles. 

Un total de 170 heures d’accompagnement répartis en 9 workshops collectifs, 35 ateliers individuels (7 par startup), 3 checkpoints et un hard-coaching hebdomadaire des startups pendant toute la durée de l’accélération. En 9 mois, le programme a permis aux startups de travailler, remettre en question et consolider plusieurs aspects de leur projet : tech, commerce, marketing, communication, product management, finance, business model et leadership.    

Bien que le programme soit intégralement opéré par Startup Palace, les mutuelles ne sont pas pour autant exclues du travail d’accompagnement des startups puisqu’elles sont systématiquement représentées pendant les ateliers et les checkpoints par les parrains et marraines.

Bien évidemment, l’accompagnement était aussi ponctué de moments plus informels dont nous ne pouvons nous résoudre à divulguer l’exacte teneur dans ce paragraphe. Sachez simplement qu’ils ont été largement plébiscités par les participants !

BILAN

Dans un précédent article, nous écrivions :

Les startups ne doivent pas être considérées comme de simples faire-valoir ou utilisées dans l’unique but d’atteindre [les objectifs des entreprises]. […] Les entreprises ont donc la responsabilité de porter un programme d’accompagnement à forte valeur ajoutée qui les aidera à consolider leur croissance sur plusieurs aspects.

Nous avions donc à coeur de rendre French Assurtech aussi bénéfique pour les acteurs économiques du territoire niortais que pour les startups qui ont intégré le dispositif. Après moins d’un an d’existence, les premiers résultats ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un dispositif à sens unique.  

Alors, pour répondre à la question qui vous taraude, celle pour laquelle vous avez très probablement entrepris la lecture de cet article, à savoir : “Est-ce que ça a marché ?”, voici les premiers impacts concrets que nous avons pu relever pour les mutuelles et les startups.

1/ L’émergence d’un écosystème numérique référence

Bien que le numérique soit une thématique déjà présente à Niort notamment grâce à des événements comme Niort Numeric, le territoire a bénéficié de l’exposition et du rayonnement de French Assurtech pour renforcer son attractivité.     

Preuve en est, après la première édition de l’accélérateur, trois nouveaux acteurs ont souhaité s’impliquer pour porter le dispositif aux côtés des fondateurs historiques de Niort Tech et French Assurtech : Mutuelles de Poitiers Assurances, Groupe P&V (Belgique) et la SMACL. En plus de prouver l’attrait du dispositif, ces nouvelles arrivées montrent que l’initiative a su dépasser sa dimension locale pour avoir un impact à l’échelle nationale et même européenne.

Une tendance confirmée par le nombre de candidatures reçues pour l’appel à projets de la deuxième édition de French Assurtech : 86 startups provenant de France, d’Allemagne, de Belgique et d’Irlande ont postulé. Un rayonnement nouveau qui a été matérialisé et concrétisé localement par l’ouverture d’un lieu totem en plein centre-ville de Niort destiné d’une part à héberger des startups, des entrepreneurs du numérique et d’autre part à porter l’impulsion événementielle du territoire en matière de numérique.

2/ Une dynamique d’innovation repensée

French Assurtech a aussi permis aux mutuelles d’aborder l’innovation sous un nouveau jour. Parce que réinventer l’assurance de demain suppose de ne plus penser comme hier.

En premier lieu, le format de “coopétition” a facilité le changement de posture des hommes et des femmes impliqués dans French Assurtech. La création d’un réseau inter-mutuelles et d’une vraie dynamique de coopération ont permis de libérer la parole de chacun et de partager les enjeux respectifs de chaque entreprise avec plus de transparence. Parce que la culture du secret et la croyance selon laquelle il faut publiquement affirmer que tout va bien en permanence sont les premiers freins de l’innovation en entreprise. C’est cette transparence qui a favorisé les discussions et qui a mené vers des solutions concrètes. 

En parlant de concret, 5 POC ont été réalisés avec les startups (un par startup) dont 3 payants et IMA (Inter-Mutuelles Assistance) a participé à la levée de fonds de 1,2M€ réalisée par Coorganiz, l’une des startups accélérée. Au delà des POC ou pilotes, nous visons le déploiement des réalisations en production comme c’est le cas par exemple pour Testamento avec la MACIF et sa filiale Mutavie. Cette  proximité nouvelle avec des entreprises qui ont un mode de fonctionnement très différent a aussi permis aux mutuelles de raccourcir les cycles de prise de décisions dans certaines BU.

3/ Des synergies avec les startups

Comme nous le disions plus haut, French Assurtech n’est pas un dispositif à sens unique et s’est aussi révélé pour les startups. Comme un vrai accélérateur finalement. French Assurtech a publié un billet de blog faisant état du bilan de l’accélérateur pour chaque startup. En substance : 

  • InSitio : Réalisation d’une étude qualitative auprès de milliers de propriétaires non occupants sociétaires de la MAAF et de la MACIF. Étude valorisée à 40 000 euros,
  • Fotonower : Mise à disposition des milliers de photos référencées de voitures sinistrées par Groupama, pour entraîner et nourrir l’algorithme,
  • Lucine : Signature d’un POC avec la MACIF, LA MAIF et IMA
  • Testamento : Intégration de leur offre au catalogue de la MAAF et collaboration avec MUTAVIE autour des clauses bénéficiaires, 
  • Coorganiz : Co-création d’un nouveau produit et levée de fonds avec IMA.

Avec French Assurtech, nous avons réussi le pari fou de réunir, coordonner et faire collaborer les principaux acteurs économiques niortais pour les aider à atteindre leurs objectifs d’améliorer l’attractivité du territoire et de réinventer l’assurance de demain en travaillant en bonne intelligence avec des startups.  

Si collaborer avec des startups dans le cadre d’un accélérateur n’a rien de magique ni d’une science exacte, l’exercice n’en reste pas moins délicat sans un minimum de méthodologie pour aider les entreprises à se mettre en empathie avec les startups et inversement. Notamment lorsqu’il s’agit de rendre l’accélérateur bénéfique pour chacun. Nous sommes donc fiers d’avoir pu contribuer au succès de cette initiative par notre apport méthodologique et en facilitant les échanges entre les mutuelles et les startups par la bonne compréhension des enjeux respectifs de chacun. 


Vous rencontrez des enjeux similaires ? Un accélérateur de startups semble pouvoir répondre à vos problématiques d’innovation et/ou d’attractivité ? Vous souhaitez coopérer avec d’autres acteurs de votre secteur d’activité pour le réinventer ? Un peu tout ça à la fois ? Nous posons trop de questions ? 

Et vous, quels sont vos enjeux ? Et vous, quels sont vos enjeux ? Et vous, quels sont vos enjeux ?

Contactez-nous !