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« VC, parle-moi des nouveaux standards des rounds de levée », rencontre avec Romain Lavault

Avis experts

Romain Lavault, General Partner chez Partech, nous en dit plus sur les nouveaux standards des rounds de levées de fonds.

✍🏻Propos recueillis par Pashû Christensen, Responsable Communication Startup Palace

🔊 1. Vous êtes aujourd’hui et ce depuis 9 ans, General Partner chez Partech, comment êtes vous arrivé jusque là ? Vous nous parleriez de votre parcours ?

J’ai démarré ma carrière il y a 25 ans dans le domaine spatial, qui était une passion d’enfance. Pendant que mes copains montaient des boites en 1999, je faisais des lancements de fusée à Baïkonour et je n’avais même pas internet !

Après le 11 septembre 2001, le marché aérospatial s’est arrêté d’un coup et je me suis retrouvé à Paris dans l’hiver nucléaire de la Bulle internet. Là j’ai rencontré 3 autres ingénieurs qui montaient une boite d’IA appliquée aux problématiques industrielles en automobile, aéronautique et pharma. On s’est associé et j’ai sauté dans l’aventure en pensant naïvement que ce serait l’affaire de 18 mois comme dans les beaux jours de la bulle. Or faire un vrai business, ça prend du temps.

10 ans et deux levées de fonds (avec Partech !) plus tard, la société avait fusionné avec une startup cloud américaine, atteint 120 personnes et 15M$ d’ARR puis rachetée par Dassault Systèmes début 2011. Après un lock-up de 2 ans, j’ai rejoint Partech il y a 9 ans pour à mon tour investir aux côtés des entrepreneurs qui font la tech de demain. Depuis, Partech a grandi façon startup avec 100% de croissance tous les 24 mois. Nous sommes passés de 130M€ à 2B€ sous gestion en 8 ans, de 10 personnes à 70, et plus de 200 sociétés en portefeuille dont 14 licornes et une quarantaine de soonicorns !

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🔊 2. Vous êtes basé à Paris, on voit beaucoup de belles histoires se dessiner ces dernières années en France, est-ce un effet de communication ou y a t’il une vraie évolution de l’écosystème des startups en France ? Quel est votre regard là dessus ?

Bien que basés à Paris, nos activités concernent plus de 30 pays. Nous investissons en Europe (dont les 2/3 hors de France), en Afrique, aux US et en Asie (notamment Asie du Sud-Est et Corée). Cela nous donne un point de vue très intéressant sur l’évolution de la French Tech par rapport aux autres hubs mondiaux. Il y a une profonde montée en puissance de l’écosystème en France qui remonte à 2012-2013 et notamment l’éclosion d’une trentaine de Seed Funds grâce à BPIFrance. C’était l‘époque des premières licornes françaises Criteo et BlaBlaCar. Ça a donné envie à la première génération de founders français de se lancer et une bonne partie des licornes actuelles a démarré dans cette période 2013-2016. On en voit les fruits aujourd’hui. On assiste maintenant à la montée en puissance des serial entrepreneurs et des mafias (dans le bon sens du terme) qui constituent en grand nombre la deuxième génération d’entrepreneurs créant leurs boites après avoir vécu de l’intérieur des premières aventures comme Algolia ou ManoMano. En combinant un afflux important de capitaux VC vers la France, un tissu d’angels qui s’est épaissi (notamment la première génération de Founders !) et globalement une incroyable montée en ambition de tout l’écosystème (VC compris 😉), ça nous donne un perfect storm historique pour la French Tech ! 

🔊 3. Quels sont les nouveaux standards des rounds de levée aujourd’hui ?

C’est finalement assez simple : en moyenne la dilution est de 20% (10-15% pour les serial entrepreneurs les plus courtisés). Donc la valorisation est mathématiquement une fonction de la taille du tour. Si les entrepreneurs ont de l’ambition, un story telling convaincant, des éléments de preuve et sont sur un marché « hot » pour les VCs, les tailles de tour (et donc les levées) peuvent vite devenir importantes. Les tours de seed évoluent entre 2 et 5M€ (et donc 10 et 25M€ de valorisation post-money). A la fois parce que l’ambition et la qualité des projets justifient des montants de départ importants, et à la fois parce qu’il y a une demande forte de la part des VC et beaucoup de financement disponible. Et surtout, surtout, l’espérance de sortie a considérablement évolué. Les licornes ne sont plus si mythiques que ça et la barre des Decacorns n’est pas du tout inatteignable pour les meilleurs projets. Cela permet aussi de relativiser les valorisations à l’entrée !

🔊 4. Est ce que les startups françaises ont toujours intérêt, comme elles le faisaient parfois avant à aller chercher des fonds ailleurs, je pense à la Silicon Valley notamment ?

Pour faire court, non. Pour deux raisons :

  • La plupart des fonds US sont installés en Europe maintenant, ou font des deals à distance.
  • Les VC européens ont 4 à 5X plus de fonds qu’il y a 3-4 ans

Donc pour la plupart des startups, inutile d’aller chercher des fonds dans la Silicon Valley, peut-être à l’exception des startups Deep Tech et hardware, encore mal aimées par les fonds européens en général.

🔊 5. A l’inverse, avez-vous des startups étrangères qui viennent lever des fonds et s’installer en France ? Est-ce que les dispositifs en place, tel que le French Tech Visa notamment, ont renforcé ces tendances ?

La France est très attractive pour les entrepreneurs ou même pour des filiales de startup, mais elle souffre d’un déficit d’image historique. Le French Tech Visa a contribué à changer la perception et beaucoup d’entrepreneurs français partis dans la Silicon Valley sont maintenant revenus. C’est un signal tres fort donné aux startups et aux investisseurs étrangers. L’implantation de l’accelerateur américain Techstars à Paris qui fait venir des startups étrangères sur notre sol paraît anecdotique mais révèle un profond changement de perspective sur la French Tech, en passe de s’imposer comme une alternative au UK (qui compte désormais moins de licornes que la France) et la véritable tête de file européenne. 

🔊 6. Partech a récemment ouvert des bureaux en Afrique, pouvez-vous nous en dire plus ? Qu’attendez vous du continent africain ?

Partech a toujours historiquement recherché l’émergence de nouveaux hubs techs : d’abord dans la Silicon Valley il y a 40 ans, puis la France il y a 20 ans, l’Allemagne il y a 15 ans et plus récemment l’Asie du Sud-Est et l’Afrique depuis 4 ans. L’Afrique est probablement le plus gros réservoir tech de la planète et le moins développé à l’heure actuelle. Fort d’une démographie très favorable et de l’émergence d’une population connectée et avide de consommation, l’écosystème tech croît à 200% par an, avec un total de 5B$ investis l’an dernier. C’est tout simplement l’écosystème le plus dynamique de la planète. Nous investissons principalement en Series A et B sous la houlette d’une équipe extraordinaire basée à Dakar, Nairobi et Dubai. Les sujets liés au commerce sont évidemment les plus dynamiques : paiements, logistique ou encore SaaS. 

🔊 7. Partech investit dans quels type de startups et à quel niveau de maturité ?

Nous avons adopté dès 2015 une logique de plateforme avec plusieurs équipes d’investisseurs spécialisés sur un segment, et disposant d’un fonds spécifique à ce segment. Ainsi nous disposons de fonds de seed, de fonds de venture et de fonds de growth, avec à chaque fois des équipes dédiées. Nous sommes des généralistes même si beaucoup de nos investissements sont en SaaS, Fintech et Health Tech, et pouvons investir de 200k€ à 50M€ par tour. 

🔊 8. Quels conseils donneriez-vous à des fondateurs qui font leur première levée de fonds ?

La première levée est déterminante car elle donne le ton et la dynamique pour la suite de l’equity story (combien on lève et avec qui on lève). Il est difficile de lever sans aucune traction, voire sans aucun produit mais le niveau d’ambition et la pertinence des fondateurs sont les critères de choix numéro 1. Le story telling (pourquoi, comment et où on va) est essentiel. Il s’agit aussi d’établir une relation personnelle avec vos investisseurs. Le mieux est l’approche directe ou idéalement via un fondateur que l’on accompagne déjà. Et on apprécie que les fondateurs fassent une due diligence sur nous autant que nous sur eux ! C’est un people business donc se choisir mutuellement est hyper important !

🔊 9. Les prochaines grandes tendances technologiques, quelles sont-elles selon vous ?

Les sujets les plus hots du moment sont sans beaucoup de surprises :

– les cryptos, les NFT et le Web3 en général qui dessinent les contours d’un internet beaucoup plus transactionnel et l’apparition de nouveaux modèles économiques 

– le metaverse, qui n’est pas seulement un remarketing de la VR et de l’AR, mais la promesse de nouvelles places d’échanges commerciaux pour les consommateurs et pour le business. Comme pour le web puis le mobile, ça démarre par du gaming et de l’entertainment, mais une fois la masse critique de users atteinte, ce sera une véritable gold rush pour tous les business. 

– la santé et notamment la révolution digitale qui se produit en ce moment dans ce secteur. La médecine de précision boostée à l’IA va révolutionner l’expérience patient au cours de cette décennie, mais on s’intéressera aussi au moyen de découvrir des nouveaux traitements avec des time-to-market bien plus courts qu’avant.

– la digitalisation des entreprises, à commencer par les PMEs, n’est qu’à peine commencée : l’automatisation va faire gagner un temps fou et s’avère un formidable de gisement de compétitivité !

🔊 10. L’investissement dont vous êtes le plus fier jusqu’à maintenant ?

Sans hésiter Alan dont nous avons été le premier investisseur dès le pré-seed ! Beaucoup connaissent ce neo-assureur santé adoré par ses clients, mais peu connaissent le niveau d’ambition des fondateurs, déterminés à construire la plus grosse plateforme santé européenne en abonnement, où l’assurance n’est en fait que la porte d’entrée et la condition pour avoir accès à tous ces services. Alan avoisine déjà les 200 millions d’euros de revenu annuel et fait plus que doubler chaque année. Clairement un candidat à l’atteinte des 100 milliards de valorisation en 2030 (en écho à la feuille de route du Président Macron pour la French Tech) !

Merci Romain pour ces échanges ! 👋🏻

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