Qui doit porter les dispositifs d’accompagnement de startups sur les territoires ?
Avis expertsRien qu’en posant la question on a l’impression de jeter un gros pavé dans la mare. Pourtant nous pensons sincèrement que nous pencher sur cette réflexion est aujourd’hui nécessaire.
Les initiatives d’accompagnement de startups portées par les structures publiques, privées ou un habile mélange des deux se multiplient et nous avons tendance à considérer que c’est encourageant pour le dynamisme et l’attractivité des territoires.
Mais si la pluralité de ces dispositifs sur un même territoire semble répondre à des impératifs de spécificités au premier abord, de notre point de vue, c’est parfois au détriment de la lisibilité de l’offre de ce territoire et donc de son attractivité. Alors qui pour porter ces dispositifs ? Comment s’organiser ? On vous livre notre humble point de vue.
Mais avant… Un peu de Maths
Pour commencer à mettre le sujet en perspective on vous propose calcul rapide. En france, on dénombre entre 9000 et 10 000 Startups (le chiffre de l’Agence du Numérique est 9 400 mais comme le rapport se base sur la période 2015–2016, ce dernier a sûrement dû changer). Le tiers d’entre elles se trouve en Ile-de-France. Ce qui laisse à peu près 6000 startups sur le reste de la France (DOM TOM inclus), soit environ 55 millions d’habitants (67 millions d’habitants moins les 12 millions en Ile-de-France).
En partant du principe qu’elles sont équitablement réparties sur le territoire, vous pouvez calculer assez facilement combien il y a de startups pour un territoire donné avec un simple produit en croix. Par exemple sur un bassin de 150 000 habitants :
150 000 X 6000 / 55 000 000 = 16
Si on tient compte du taux d’échecs des projets entrepreneuriaux de type startups (90%), le nombre de startups viables se réduit comme peau de chagrin.
Parallèlement, nous avons observé la multiplication de dispositifs à destination des entrepreneurs et des startups sur les territoires et notamment par des structures publiques. Comme nous le disions plus haut, nous considérons que c’est une bonne nouvelle que le secteur public s’empare de cette thématique. Mais nous avons aussi constaté qu’il existe plusieurs initiatives isolées sur un même territoire et portées par différentes structures : CCI, technopôles, associations, métropoles, communautés d’agglomérations etc…
Cette multiplicité, mise en perspective avec la faible concentration de startups par nombre d’habitants, nous a amené à nous poser cette question :
“Pourquoi disperser les efforts sur plusieurs dispositifs qui auront des méthodologies différentes, des langages différents, des process différents et des objectifs différents alors qu’il y a peu de startups présentes localement ?”
Unifier pour mieux rayonner
De notre point de vue, cette dispersion des initiatives permet d’adresser des problématiques spécifiques sur des grands territoires qui ont une activité économique hétéroclite. En revanche, sur des zones géographiques plus modestes, cela peut présenter plusieurs limites pour les startups comme pour les territoires eux-mêmes.
Pour les Startups :
- Difficulté dans la lecture et la compréhension des différents programmes
- Impression de sur-sollicitation qui peut les déconcentrer de leur objectif principal (la croissance) et les pousser vers des dispositifs reconnus à l’échelle nationale
- Un éclatement des mentors et talents entrepreneuriaux locaux sur différents programmes réduisant ainsi la richesse de chaque programme individuellement
Pour les territoires :
- Perte de lisibilité des différents dispositifs dans leurs objectifs
- Dispersion du marketing territorial et de la proposition de valeur du territoire
- Difficultés pour sourcer les entrepreneurs et les startups capables de mettre en lumière les dispositifs
C’est la raison pour laquelle nous préconisons aux territoires que nous accompagnons de privilégier des dispositifs d’accompagnement attractifs et capables de fédérer toutes les structures publiques du territoire. Autrement dit, limiter les dispersions pour concentrer les efforts sur les talents, les ressources, le marketing territoriale et ainsi offrir un meilleur impact au dispositif pour favoriser son rayonnement. Nous avons la conviction que les dispositifs d’accompagnement doivent être au service des entrepreneurs, pas des structures qui les portent.
La question reste donc de savoir autour de quelle initiative se fédérer ?
Cultiver une singularité réelle
Quand il s’agit de dispositifs d’accompagnement pour startups et entrepreneurs, vous pouvez vous distinguer sur deux aspects : le fond et la forme.
Côté forme, nous avons tendance à distinguer trois types d’accompagnements pour startups : Training Camp, Pré-Accélérateur et Accélérateur, pour adapter différentes offres pour différents niveaux de maturité. D’expérience, nous conseillons généralement aux territoires de prioriser la mise en place de dispositifs de type Training Camp et Pré-Accélérateur. Au stade de l’accélération, des logiques financières entrent en jeu avec des perspectives de levées de fonds. Nous avons plutôt tendance à considérer que les acteurs privés ont plus de pertinence à porter ces dispositifs. Sur ce dernier volet, les structures publiques et privées peuvent évidemment travailler main dans la main pour porter ces dispositifs.
Côté fond, l’enjeu consiste à identifier votre spécificité locale. C’est-à-dire quel est le bassin d’emplois le plus représenté sur votre territoire, quel secteur pourvoit le plus d’emploi. La tentation de sélectionner une “Vanity Singularity” (équivalent des “Vanity Metrics” mais pour les spécificités territoriales) est souvent forte pour les territoires notamment sur des secteurs porteurs et “à la mode” : IA, blockchain, IoT etc… Mais ces secteurs sont rarement nativement représentés et demanderaient un effort supplémentaire aux territoires pour développer une nouvelle économie à part entière et reconnue autour de ces sujets.
Pour attirer des entrepreneurs, nous pensons que la promesse d’un cadre de vie agréable n’est pas suffisant et qu’il faut surtout leur offrir des perspectives professionnelles concrètes. Et quoi de plus concret qu’un bassin d’emploi reconnu et déjà existant ? De plus vous aurez plus de facilités pour solliciter des experts métiers locaux et reconnus pour mentorer les startupeurs.
Impliquer le tissu économique local
Nous considérons que les plus importants pourvoyeurs d’emplois sur les territoires portent localement une forme de responsabilité économique et sociale. L’arrêt brutal des activités minières dans le Nord-Pas-de-Calais au début des années 1990 a eu des conséquences catastrophiques sur l’emploi. En plus des impacts sociaux sur les habitants de la région c’est toute l’attractivité et le dynamisme du territoire qui en ont pâti pendant longtemps.
Il existe donc un enjeu de préservation de la dynamique des activités porteuses d’emplois sur le long terme pour éviter leur déclin lors des prochaines mutations économiques. C’est pourquoi nous pensons que les entreprises doivent être impliquées dans ces initiatives et les porter conjointement avec les structures publiques.
C’est d’ailleurs cette prise de conscience qui a mené à la création de French Assurtech à Niort, berceau historique des mutuelles d’assurances. Il s’agit d’un accélérateur porté par des entreprises traditionnellement concurrentes (Groupama, IMA, Maaf Groupe Covea, Macif, Maif), la Communauté d’Agglomération Niortaise ainsi que le Medef Deux-Sèvres.
“Bon d’accord, mais au final, qui doit porter ces dispositifs sur les territoires ?”
Pour résumer, nous estimons qu’il est judicieux pour les structures publiques des territoires de travailler conjointement et d’avancer dans le même sens en portant un dispositif d’accompagnement commun. Un dispositif ambitieux à l’échelle d’un territoire ne peut pas s’affranchir de l’implication de ces structures. Bien qu’il s’agisse d’initiatives territoriales, nous avons la conviction que les acteurs privés doivent être intégrés à ces dispositifs et impliqués dans leur gouvernance et leur mise en oeuvre opérationnelle. Il serait également opportun que les entrepreneurs locaux puissent être sollicités pour favoriser la transmission d’expérience et de savoir.