Masterclass #12 avec Olivier Demaegdt : Parcours d’un serial entrepreneur
Actualités de Startup PalaceÀ la toute fin du mois de mars, nous avons eu le plaisir de recevoir Olivier Demaegdt pour une nouvelle Masterclass chez Startup Palace. Notre invité a accepté de revenir pour nous sur les éléments forts de son passé d’homme, d’entrepreneur et de comédien. Avec l’aisance que lui confère son expérience au théâtre et toute la sympathie et le bon sens de l’entrepreneur, Olivier Demaedgt nous a livré une rétrospective intimiste de son parcours, loin d’être linéaire. Il nous a partagé ses doutes, ses craintes et les leçons qui l’ont accompagné dans cette véritable quête de sens.
Poser des vrais choix
En guise d’introduction, Olivier Demaedgt commence fort en nous racontant que ces émotions “oscillent sur un fil suspendu entre l’héroïsme et le sous merdisme”. « J’ai envie d’être un héro, mais je me sens souvent un moins que rien ». Ce tiraillement se retrouve aussi « entre l’âme et l’ego ». L’envie de contribuer, de faire, de bâtir et la nécessité d’être en paix intérieurement. L’exercice qu’il a réalisé en vue de la préparation de son intervention lui a permis de revenir sur son passé et ainsi analyser le fil conducteur de sa vie.
“Je me suis rendu compte que j’ai toujours été dans une quête de sens, j’avais envie de trouver ma vocation pour pouvoir faire tous mes choix à l’aune de cette vocation. Je me suis rendu compte en préparant mon intervention que c’était l’inverse, c’est plutôt quand on regarde son passé qu’on regarde la somme des petits choix, des choix raisonnés, des choix insensés, des choix de dernière minute, des choix impulsifs… Tous ces petits pas, quand on en fait la relecture, permettent de tracer une ligne, un nuage de points qui peut donner une approche du sens de toutes ces actions. On peut raconter de grandes aventures parce que l’aventure est vécue. Ça ne veut pas dire que le plan était tout tracé.”
Il met en avant l’importance de faire des choix posés qui aideront à construire le futur. Pour illustrer son propos, il nous raconte qu’en 2007 il rejoint un de ses associés chez Ecolutis, une entreprise de covoiturage. À l’époque, ils se demandent si le temps n’est pas venu pour eux de tenter de lever des fonds auprès d’investisseurs, le marché ne comptant pas encore de grand leader. Ils envisagent aussi de rester une TPE qui fonctionne auprès des collectivités et des entreprises en B2B. À ce moment là pour Olivier et son équipe, ce n’est pas le moment de se lancer dans une aventure de grande envergure, tous ont envie d’être présents dans la vie de leurs jeunes enfants, ils décident donc de continuer comme TPE. Avec le recul, il se réjouit d’avoir su choisir il y a 10 ans: ”J’ai pu accueillir mes enfants. Je suis content de ne pas m’être retrouvé face à Blablacar, j’aurais pris une claque. Mais surtout, avoir posé un vrai choix, m’a permis de ne pas regretter 10 ans après de ne pas avoir connu un succès à la Blablacar.”
Il revient aussi sur le fait qu’assumer pleinement ce choix lui a permis de continuer de travailler pour faire de sa TPE une belle entreprise prospère, bien gérée, avec des clients et un bon chiffre d’affaire. Il confère que c’est sans doute la somme de tous ces critères qui ont permis à cette entreprise de se faire racheter par la SNCF quelques années plus tard. Il souligne donc l’importance dans la vie de poser des choix « l’enjeu ce n’est pas de faire le bon choix, c’est de vivre le choix ».
Liberté, responsabilité, humanité
De ses différentes expériences d’entrepreneur, Olivier Demaegdt tire 3 valeurs directrices qui ont guidé sa façon de gérer ses entreprises : liberté, responsabilité et humanité. La liberté est pour lui indissociable de la notion de responsabilité car “on ne peut pas demander à quelqu’un d’être responsable de quelque chose chose s’il n’est pas un minimum libre de faire comme il veut, sinon cela fait de lui un exécutant”. La responsabilité va donc de pair avec cette notion, “on ne peut dire à quelqu’un qu’il est libre si il ne sent pas un minimum responsable”. Et enfin l’humanité, qui n’a pour lui rien à voir avec la bienveillance mais rassemble la puissance de l’envie et l’acceptation de la limite humaine. L’envie est pour Olivier le principal moteur de performance et de qualité. « Mieux vaut confier une mission à celui qui a envie plutôt qu’à celui qui est le plus qualifié ».
Il mentionne aussi l’importance d’accepter qu’une entreprise ou qu’une personne ne soit pas tout le temps à 200%. C’est lui rendre service que de laisser le temps à la personne d’analyser ses peurs, ses doutes, ses souffrances pour lui permettre de se relever doucement. “Il faut aller au fond de ses problèmes pour les vivre. Après ça, le problème est vécu et on peut passer à autre chose, quelque chose de nouveau sort de ce problème. Comme la nature. Les arbres perdent leurs feuilles et ça fait du terreau pour les années à venir… c’est une image qu’on a beaucoup expérimentée”.
Notre invité précise « j’ai souvent confondu bienveillance et lâcheté ». Pour lui, ne pas aller dans la vérité avec les gens et éviter les sujets trop compliqués est plutôt du ressort de la lâcheté ou de la peur. Il définit la bienveillance comme “être l’amour et la vérité”.
Innover pour un retour aux sources
Olivier Demaegdt nous raconte que son premier projet entrepreneurial remonte à ses 8 ans, lorsqu’il a construit un jeu en bois avec son père. “Il a probablement fait les ¾ du boulot, mais il le présentait comme mon travail, ce qui n’était pas faux, car j’avais fourni 90% de l’effort à mon échelle”. C’est un souvenir qu’il garde et qui le fait réfléchir sur le sens du management et de l’accompagnement : “Si quand on aide quelqu’un, on s’attribue son travail, on est à coté de la plaque. La question c’est comment on grandit ensemble.”
Rapidement, il découvre le monde du théâtre, se prend de passion pour celui-ci et enchaîne les castings, mais met de côté sa passion pendant plusieurs années. Il fait ses études à l’ICAM à Lille, un cursus qui lui permet de conserver un peu de liberté et notamment de pratiquer le scoutisme. “À un moment je me disais que mes études c’était mon activité extra-scout.”
“ Notre objectif c’était de revenir aux fondamentaux de Baden Powell en accueillant 10 jeunes que nous avions recruté dans les collèges. C’était innover pour un retour aux sources. Ça rejoint pas mal ce que j’ai fait autour de l’écologie, on apporte de nouvelles chose, on adapte, mais en même temps, c’est pour se reconnecter à l’intention de départ.”
Hors des sentiers battus
À la fin de ses études, il rejoint une startup qui édite des logiciels pour les marchés financiers. À cette époque, la bulle internet explose et fait des dégâts. À son arrivée, l’entreprise compte 100 salariés. Deux ans après, ils ne sont plus que 7. Au fil du temps, il se voit confier différentes missions allant de l’installation de logiciels jusqu’au contrôle Urssaf, “sur mon CV, j’ai mis pompier”. Ce poste formateur le conduit ensuite à rejoindre une filiale de la SNCF et des chemins de fer suisses, qui distribue des billets de train à l’international. Une expérience forte et intermédiaire dans son parcours, qui lui donne une vision assez diversifiée.
En 2004, c’est le début des blogs. Technophile tourné vers l’écologie, il décide de créer “quotidien durable”, un blog axé sur le développement durable. À ce moment là, la blogosphère représente un renouveau : “on pensait que le crowd content, que les utilisateurs produiraient toute l’information. On était persuadé que la télé était morte. Et puis bon, Le Monde a fait une page planète, Les Échos ont fait une page startups et puis y’a toujours la Star’Ac à la TV…”
Ses convictions écologiques le poussent à faire des expérimentations pour consommer mieux, d’abord dans le domaine personnel, puis dans son cadre professionnel. Il se rend compte de la difficulté de se fournir en papier recyclé dans une entreprise en 2004. Il y voit un signe et saisit le moment pour faire ce dont il rêvait : quitter Paris et monter sa boîte. Il construit “unbureaupourlaterre.com” qui commercialise des fournitures de bureau écologiques. Il adore créer la marque, voir l’intérêt suscité par ses produits, mais après quelques temps il fait un constat : “Je suis bon pour initier des trucs, mais pas pour les gérer dans le quotidien. Si je reste dans l’opérationnel, je ne tiens pas la durée.”. Il décide alors de vendre son entreprise et c’est à ce moment qu’il rejoint Régis Lippinois chez Ecolutis pour se lancer dans la grande aventure du covoiturage.
En parallèle, courant 2009, Régis se prend de passion pour l’apiculture. Agréablement surpris par l’intérêt suscité par cette activité, ils décident de monter “Un toit pour les abeilles”, une structure qui propose aux particuliers de parrainer des ruches pour recevoir en échange des pots de miel issus de leurs récoltes. “Ça a vachement bien marché, j’ai la fierté qu’on ait créé un modèle économique au service de la biodiversité. Plus on faisait du CA, plus on soutenait les abeilles et plus on participait à populariser cette cause”.
Le pouvoir de l’alignement
Fin 2012, le marché du covoiturage est saturé. Depuis plusieurs mois, il tente de vendre Ecolutis. Les propositions s’enchaînent, mais avec elles, les désistements. Véritable ascenseur émotionnel, il traverse une période 18 mois de stress intense. Une nuit, il se réveille et se dit à lui même «eh… tout va bien, tu n’es pas en danger… respire ». Ce « réveil » lui permet de se tenir de nouveau debout, droit et serein. “3 mois plus tard, la boîte était vendue. Quand on s’aligne nous même on lève nos doutes, mais aussi ceux de notre entourage, tout peut advenir ». Le service devient IDVROOM et Olivier Demaegdt prend la tête de la direction générale et vit la grande aventure de la collaboration entre startup et grand groupe.
Après deux ans, il se rend compte qu’il a fait sa part et qu’il doit passer la main. Il pose alors à nouveau un vrai choix, ce qui l’aide à être plus serein avec sa décision.
De l’assiette chinoise au tabouret
Notre invité s’interroge toujours sur le sens de ses actions, après toutes ces expériences, il fait alors le point. “Pourquoi j’ai fait ça ? Parce que j’ai passé les 10 dernières années de ma vie d’entrepreneuriat à essayer d’être focus sur un sujet unique, sauf que je ne sais pas le faire. J’étais comme une assiette chinoise, je me battais contre moi même pour me recentrer.”
Après des périodes d’introspection, il réalise que ce qu’il aime, ce qui lui convient, c’est la diversité, la multiplicité des projets. Dans l’impossibilité de s’investir quelque part à 100%, il décide alors d’ajouter à l’entreprise, “le théâtre, l’associatif, la famille. » Il ajoute ainsi 3 pieds à son assiette «Je suis passé de l’assiette chinoise au tabouret”. Il remonte sur les planches, de façon professionnelle et choisit d’être autant entrepreneur que comédien.
Aujourd’hui, Olivier Demaegdt est investi dans plusieurs projets et c’est ce qui fonctionne pour lui. “Maintenant, je vais être comme je suis ». Depuis quelques semaines, il a créé EMINY, une entreprise qui intervient dans la stratégie, le conseil et le media training pour les dirigeants. A travers EMINY il lance aussi www.familysportingclub.com et www.suncatcher.io. “Je l’ai appelé EMINY car ce sont les premières lettres de la chanson English Man in New York et une des phrases de cette chanson dit “Sois toi-même, peu importe ce qu’ils en disent”.
Un immense merci à Olivier Demaegdt pour son retour d’expérience plein de philosophie et de bonnes ondes, qui aura su nous inspirer et nous faire réfléchir sur notre propre quête de sens