Masterclass #11 avec Tonjé Bakang : Hustler is the new entrepreneur
Actualités de Startup PalaceLe 23 janvier dernier, nous avons eu le plaisir d’accueillir Tonjé Bakang, CEO de la startup Afrostream, pour la onzième édition de notre Masterclass. Entrepreneur chevronné qui n’a pas peur de prendre des risques, Tonjé nous a partagé son histoire, de ses débuts à la création d’Afrostream et s’est confié sur tous les détails de cette incroyable ascension.
“Ce qui m’a permis d’avancer dans ma carrière, c’est que je me suis intéressé aux autres. J’ai toujours voulu savoir ce que faisaient les gens autour de moi car à travers leurs profils, il y a avait 10 000 opportunités qui pouvaient s’offrir à moi et qui m’ont permis sans avoir de diplôme spécifique de créer plusieurs entreprises, d’ouvrir des portes dans le milieu des médias et d’arriver à créer Afrostream”.
La genèse de l’idée
Très tôt, Tonjé part d’une problématique qui le guidera dans tout ce qu’il entreprend : “Comment aujourd’hui, j’arrive à voir des héros qui me ressemblent ?” Et plus largement, comment aider la jeune génération afro à se construire et à trouver des modèles qui puissent leur donner confiance en grandissant. “Comment ces jeunes individus pourraient se construire dans l’avenir s’il ne se voient pas dans les médias ?”
Pour répondre à ses interrogations, il décide d’embrasser une carrière dans les médias. Il commence par infiltrer le milieu de la musique, où il réalise et produit des clips vidéos. Il s’intéresse ensuite au théâtre et produit pendant plusieurs années différents spectacles et comédies. Pendant 3 ans, il dirige le théâtre Montorgueil à Paris. Touche à tout et passionné par les industries créatives, il décide alors de s’essayer à la télévision avec l’idée de proposer aux chaînes des histoires différentes. “Quand je suis arrivé au stade de pouvoir discuter avec le directeur des programmes de France TV, d’être en contact avec des gens de chez M6 et Canal +, je me suis aperçu que le problème était qu’ils ne percevaient pas l’opportunité de marché. Ils ne percevaient pas le fait que 6 millions de français pouvaient être intéressés par ces histoires différentes et au delà de ces personnes qui naturellement pourraient être intéressées, peut être que 60 millions français pourraient être curieux”.
À partir de là, c’est la prise de conscience, il décide de ne pas perdre son temps à essayer de les convaincre et de prendre lui même les choses en main. Il observe la façon dont ses amis et son entourage consomment des films et des séries et comprend que “l’usage a changé, je n’ai plus besoin d’aller vers les grands médias pour atteindre ma cible”. Porté par l’arrivée de nouveaux services de streaming comme Netflix, il réalise que c’est simplement un problème de distribution. “Pour créer un média d’un nouveau genre, je n’avais plus besoin de demander l’autorisation, la barrière à l’entrée venait de tomber”.
Les débuts d’Afrostream
Le pitch d’Afrostream est simple, “une plateforme de vidéo à la demande, avec des programmes afros, dont africains”. Mais à l’époque, tout ça est “loin du glamour des startups, loin de la Silicon Valley”. Pour donner vie à son idée et crédibiliser son projet, Tonjé décide de candidater à un accélérateur de startups. Il frappe à la porte de The Family, rencontre ses fondateurs et a l’agréable surprise d’être jugé uniquement sur son idée et non sur son réseau ou ses diplômes. À l’époque, son seul support est une page Facebook, qui a déjà environ 10 000 likes, créée pour démontrer la demande et l’appétence pour un service comme le sien. Rapidement, Tonjé décide de s’entourer et notamment de trouver un directeur technique pour l’accompagner. Il partage l’idée d’Afrostream sur un groupe Linkedin et rencontre Ludovic Bostral, ancien de la R&D et du replay chez M6. Ils se rencontrent, partagent les mêmes aspirations et Ludovic devient le co-fondateur d’Afrostream et son directeur technique. Le projet commence à évoluer, “on est passés d’un média communautaire digital à une startup prise à The Family avec un co-fondateur tech, ancien de chez M6 et moi qui était producteur en TV. Sur le papier on commençait à avoir une petite dream team”.
“Ce qui nous a permis d’arriver dans le monde des startups c’est de donner très vite de l’envergure à notre projet en ne nous arrêtant pas à sa simple description et en passant à une vision plus humaniste : pourquoi on le fait ? On le fait parce qu’il y a un peu plus d’un milliard d’afro-descendants et tous les fans de culture afro, ajouté à ça l’émergence du continent africain et toutes les possibilités qui en découlent. Tout à coup ce discours commence à donner une dimension internationale et solide au projet”.
Convaincre les investisseurs
Pour Tonjé, une des étapes les plus difficiles, a été de réussir à trouver des investisseurs pour financer sa plateforme : “Comment réussir à convaincre avec une thématique un peu ethnique dans une France qui n’a pas l’habitude de ce type d’idée ?” L’arrivée de Netflix a été pour eux un événement marquant, car enfin les investisseurs pouvaient les comparer à quelque chose d’existant et de surcroît, qui fonctionnait. Mais malgré ce coup de pouce du destin, les choses s’avèrent plus compliquées que prévu. “On a vu tous les investisseurs de la place, mais ils étaient dans l’incapacité totale de comprendre notre produit. À partir du moment ou ils n’arrivent pas à se projeter consommer le produit, il faut trouver des angles pour les toucher, les impliquer”.
Grâce à leur présence chez The Family, alors connecté avec de nombreux incubateurs dans le monde entier, ils sont choisis pour pitcher devant Michael Seibel, un partner de Y Combinator de passage à Paris pour rencontrer des startups. À ce moment là, rien n’est pourtant construit pour Afrostream : au bout de 6 mois pas une seule ligne de code n’est tapée, aucun contenu n’est acheté, les négociations avec les studios n’ont pas encore commencées. Encore une fois, la page Facebook sert de vitrine pour “prouver que ces grands studios américains et ces distributeurs de contenus n’avaient pas su capter une audience que j’avais su capter grâce aux réseaux sociaux”. Ils réussissent à attirer l’attention de Michael Seibel qui les voit comme “The Netflix of Africa”. Il propose de le recontacter à la signature de leur premier contrat. Durant les mois suivants, le bruit provoqué par les plateformes de streaming, dont Netflix en France, leur permet d’avoir quelques parutions de presse, alors que leur produit n’est toujours pas construit et ainsi de devenir une petite startup en vogue. Ce “buzz” leur apporte une belle surprise, MYTF1 VOD leur propose un partenariat pour diffuser du contenu afro sur sa plateforme. Ce deal basé sur le marketing leur permet de gagner encore en visibilité.
L’aventure Y Combinator
Tonjé raconte que réussir à signer son premier contrat avec un distributeur de contenu a été une grande bataille. Après des mois de tentatives de rencontre avec Sony et de nombreux refus essuyés, Tonjé décide de mettre les bouchées doubles. Ce contrat, il faudra se battre pour le décrocher. Pour attirer l’attention des distributeurs, il décide de s’inscrire comme speaker à toutes les conférences et salons professionnels médias. Rapidement, il devient le speaker référent sur le sujet du streaming et de la digitalisation de l’Afrique. Par un heureux concours de circonstance, il se retrouve speaker aux côtés du patron international de la distribution chez Sony. Quelques jours avant l’événement, il décide alors de tenter un gros de bluff et de reprendre contact avec ceux qui avaient refusés de le recevoir en leur demandant de confirmer leur non intérêt pour Afrostream, de façon à ce qu’il puisse s’entretenir directement avec le grand patron le jour de la conférence. Le matin de l’événement, une première version du contrat arrivait dans sa boîte mail. “Si j’avais commencé à réfléchir à ce que j’avais à perdre ou à toutes les personnes que j’aurais pu froisser, je n’aurais pas pu avoir ce contrat.”
Le coup de bluff continue et Tonjé décide de rappeler Michael Seibel pour lui annoncer la signature du contrat, alors que la société n’est toujours pas juridiquement créée et qu’ils n’ont absolument pas les fonds nécessaires pour signer ce contrat. “Je savais qu’il fallait prendre ce type de risque, sauter dans le vide pour créer de la valeur”. Ils obtiennent le feu vert pour envoyer leur candidature au Y Combinator, un des plus gros accélérateurs de startups au monde. “Tout ça c’est une addition d’audace, de coups de bol et de la capacité à être droit dans ses bottes et d’oser dire que tout est ok et d’exécuter comme des fous pour y arriver”. Cette audace plaît aux américains et ils ont la chance de faire partie des 3% (des quelques 5 000 candidatures) sélectionnés pour participer au programme. En un temps record, l’entreprise est créée, un financement leur est envoyé et Tonjé et Ludovic s’envolent pour 3 mois à Mountain View, au coeur de la Silicon Valley pour vivre cette folle aventure.
Pour prouver leur traction et trouver les financements nécessaires à l’achat de contenus aux distributeurs, indispensables au bon fonctionnement de leur plateforme, Michael leur souffle l’idée de vendre en avance des abonnements à leurs fans. Le pari est fou, “On a dû dire à nos fans sur les réseaux de payer maintenant, pour un service qui n’existait pas encore !” Plus de 2 000 abonnements sont vendus, ce qui leur permet d’investir dans des contenus et prouver au Y Combinator l’intérêt du public et l’existence de leur marché. “Cette capacité à vendre notre idée, notre vision, a convaincu les investisseurs. À l’heure où les gens piratent du contenu, avoir des gens qui ne connaissent pas votre catalogue et qui sont prêts à acheter en avance pour une année entière, c’est incroyable”. Tout le travail de marketing produit en amont a porté ses fruits et a payé au moment où la startup en avait le plus besoin. “Faire ces ventes a tout changé pour Afrostream. On a levé des fonds auprès de gens qui avaient refusé plusieurs fois, Orange a investi, on a eu l’attention de grands studios américains”.
Devenir un “Hustler”
Devant notre public du jour, fortement composé d’entrepreneurs, Tonjé donne quelques conseils :
- Essayez d’être toujours créatifs, de ne pas suivre des règles, d’être audacieux.
- Se marketer, vendre du rêve, rester positif, ça attire.
- Parlez au maximum de votre idée et partagez la pour vous faire challenger très vite. “Les entrepreneurs pensent que leur idée est sacrée, qu’il ne faut surtout pas en parler car ça pourrait leur porter l’oeil ou ils pourraient se la faire piquer. Mais au delà de l’idée de votre startup, c’est l’exécution qui prime.”
- Entourez-vous des bonnes personnes, pour se recentrer et ne pas se perdre.
- Vendez votre idée ou produit le plus vite possible selon les principes du Lean Startup.
Le lancement
En septembre 2015, c’est le retour à Nantes et l’arrivée au Startup Palace. Mais c’est surtout le grand moment du lancement du service. “On était tous super nerveux, les deux jours avant le lancement ont été les plus stressants de ma vie. C’était un tournant pour moi, j’avais vendu du rêve, mouillé la chemise”. La question qui se pose alors, c’est comment ne pas être déceptif, avec seulement 5 films entièrement traduits et fonctionnels en ligne sur la plateforme et des gens qui avaient déjà payés leur abonnement pour l’année. Tonjé étant CEO mais aussi Community Manager, décide alors de jouer la carte de la transparence et de la franchise avec sa communauté. “J’ai fait beaucoup de vidéos pour expliquer que tout n’était pas parfait, mais qu’on allait s’améliorer grâce aux retours. La franchise radicale, c’était de répondre aux commentaires de façon ferme, ce qui est contre intuitif. J’ai profondément créé Afrostream pour ceux qui s’intéressent à ces contenus. Malheureusement j’ai dû leur rappeler à quel point c’était dur de faire ça”.
Tonjé tire une leçon de ces évènements, c’est l’importance de lancer, même si le produit n’est pas parfait, d’ailleurs surtout si le produit n’est pas parfait. “La plupart des entrepreneurs ont tendance à vouloir lancer un produit parfait. L’important c’est de mettre le produit dans les mains des utilisateurs et de voir comment chercher la croissance. Il vaut mieux créer et échouer plutôt que d’être dans l’illusion et tout miser dessus”. C’est pour cette raison qu‘il a cherché à avoir des intrapreneurs à ses côtés. Dans l’équipe, tout a été fait pour que chacun puisse prendre des responsabilités et des risques, pour “faire avancer le bateau”. Dans cette équipe, désormais composée de plus de 10 personnes, chacun est libre de donner son avis sur n’importe quel sujet. “C’est intéressant de voir comment les équipes portent un projet comme des intrapreneurs, pour que moi je puisse ensuite aller le vendre, car c’est mon rôle”.
Nous remercions Tonjé Bakang de nous avoir partagé le récit de sa success story. Si vous souhaitez être au courant de tous nos prochains évènements, inscrivez-vous à notre newsletter !✨