Et si on parlait de l’échec entrepreneurial ? Rencontre avec Guillaume Vanneste.

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Pas facile de parler échec et entrepreneuriat. Et pourtant, ça existe. Rencontre avec Guillaume Vanneste pour aborder ensemble tout ça !

✍🏻Propos recueillis par Claire CAMINATI-FARBER, Responsable Communication Startup Palace

Parler de l’échec entrepreneurial c’est souvent tabou. Et surtout en France d’ailleurs malheureusement. Lorsque j’ai commencé à travailler en agence de relations presse (il y a quelques petites années de cela ! 😇), il y avait la FailCon, une conférence leadée par Roxanne Varza qui mettait précisément en lumière des témoignages d’entrepreneurs qui s’étaient à un moment donné cassé la gueule puis relevés. C’est ça aussi l’entrepreneuriat, non ?

En vrai, les entrepreneurs qui osent parler de leurs éventuels échecs sont assez rares. MAIS, j’en ai trouvé un ! 🔥 Il s’appelle Guillaume Vanneste. Et c’est son interview que je vous propose aujourd’hui.

C’est parti !

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🎙Hello Guillaume ! J’ai eu la chance de te rencontrer il y a quelques années maintenant, à l’époque où tu travaillais encore à la SNCF Développement (et moi en agence de relations presse). Peux-tu te présenter ? Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Quel est ton parcours ?

Je me définis comme un facilitateur et un connecteur. J’aime créer les conditions de réalisation de projets individuels et collectifs, de préférence avec un impact sur le quotidien. Je suis né à Roubaix, dans le Nord, où j’ai fait mes études, en philosophie et sciences politiques. J’ai commencé ma carrière à Paris, comme collaborateur parlementaire à l’Assemblée nationale. Puis j’ai rejoint le privé, avec des missions de relations institutionnelles et de communication. Je découvre l’entrepreneuriat assez tard, chez SNCF Développement. J’y travaille notamment à l’animation d’une communauté de startupers, à des actions d’open innovation, au déploiement de programmes d’intrapreneuriat. Je dirige également en 2017 la publication du premier ouvrage identifiant 1000 startups françaises prometteuses, intitulé Génération French Tech. Je passe de l’autre côté de la barrière en 2018 et monte un projet entrepreneurial. L’aventure prend fin en 2021, date à laquelle je rejoins Digital Loire Valley.

🎙 J’ai pris contact avec toi pour cette interview car j’ai vu dernièrement sur ton profil Linkedin un post qui m’a interpellée dans lequel tu parlais ouvertement de ta dernière expérience entrepreneuriale, Keradom, qui n’a pas rencontré le succès escompté. Tu parles d’ailleurs clairement d’échec. Déjà bravo pour cette transparence. C’est assez rare que l’on parle de ce sujet en France. Peux-tu nous expliquer déjà la genèse de Keradom ? C’était quoi au juste ?

La volonté de Keradom, c’était d’améliorer le quotidien des personnes âgées en facilitant l’accès à des aides à domicile et des auxiliaires de vie qualifiées. Dans ce secteur très éclaté, dominé à 50% par des acteurs associatifs, les besoins de modernisation sont énormes, et le numérique a un rôle évident à jouer. Nous avons construit une plateforme B2C de mise en relation, doublée d’une communauté d’intervenants à laquelle nous apportions – et c’était là une vraie nouveauté – un accompagnement, des conseils, et surtout une liberté d’organisation. Face à des difficultés côté acquisition, et avec les débuts de la crise sanitaire du Covid-19, nous avons fait le choix de pivoter au printemps 2020. Notre nouveau produit était un SaaS B2B de recrutement qualifié pour les agences d’aide à domicile et les Ehpad.

🎙 Comment expliques-tu que ça n’ait pas fonctionné comme tu le voulais ?

Comme pour beaucoup de jeunes entreprises, le Covid-19 a été un choc, mais ce n’est pas une raison suffisante. Les causes de notre échec sont probablement multiples. Pour résumer, je dirais que la capacité du marché à se digitaliser s’est avérée beaucoup plus lente que nous l’avions imaginé, et nos moyens n’étaient pas en phase avec ce temps long. 

🎙Que retiens-tu de cette aventure ?

J’ai fait beaucoup d’erreurs, et chacune m’a énormément appris. Je pense qu’il faut accepter d’être lucide sur ce qui a fonctionné ou pas – même quand l’entreprise “tourne” – car cela permet de s’améliorer. Ce que je retiens en particulier, c’est l’importance d’être très au clair sur l’allocation de ses ressources. Savoir quand prendre en charge une tâche et quand la déléguer. Savoir quand investir ses moyens financiers et quand patienter. L’entrepreneuriat est fait d’arbitrages permanents, qu’il faut réaliser rapidement et, souvent, dans des conditions très contraintes.

🎙Comment est-ce qu’on fait moralement pour tenir le coup quand “sa boîte se casse la gueule” ?

On ne va pas se mentir, ce n’est jamais une phase heureuse. Pour ma part, j’ai probablement frôlé le burnout. Dans ces moments-là, il est essentiel d’être soutenu par ses proches, mais aussi de clarifier ses priorités. Il faut préserver sa santé, sa famille, qui sont mille fois plus importantes à mes yeux que l’avenir d’une entreprise.

🎙Comment on en parle à ses équipes, ses proches ?

Il faut pouvoir parler ouvertement des difficultés à ses proches, c’est essentiel. L’entourage est souvent un moteur dans l’entrepreneuriat, dès les débuts. Il est là dans les moments importants, positifs comme négatifs. Concernant ses équipes, c’est plus délicat. Pendant longtemps, nous avons fait, avec mes associés, le choix de compartimenter l’information, afin de ne pas distraire ou effrayer les collaborateurs. Avec le temps, nous leur avons partagé nos difficultés, et nous avons pu constater que l’équipe nous soutenait, ce qui nous a sans doute permis d’aller encore plus loin que nous le pensions. 

🎙Si tu pouvais revenir en arrière, que changerais-tu ou ferais-tu différemment ?

C’est tentant de vouloir réécrire l’histoire, mais également dangereux à titre personnel, car cela fait se concentrer sur les aspects négatifs. D’une manière générale, je pense que nous nous sommes mis une pression excessive, qui a limité notre capacité à piloter le projet.

🎙Est-ce que ça t’a définitivement conforté dans l’idée que la création d’entreprise n’était pas pour toi ? Autrement dit, est-ce que tu peux retenter l’aventure ou tu laisses définitivement tomber ?

Même si j’ai échoué, je sors grandi de cette expérience. J’ai beaucoup appris sur moi-même, je connais davantage mes limites, mes biais. Je n’ai aucune intention de me relancer dans un projet entrepreneurial à court terme, mais l’envie reviendra peut-être en temps voulu. 

🎙Quels sont les principaux challenges pour un jeune entrepreneur qui se lance ?

Ils sont nombreux, mais j’en citerais un seul : se souvenir que l’entrepreneuriat est un marathon, pas un sprint.

🎙Comment expliques-tu aussi que personne n’ose vraiment parler de l’échec entrepreneurial en France ? 

Je pense que c’est culturel. En France, la tradition collective privilégie la stabilité professionnelle, la linéarité des carrières. L’audace, l’ambition, la prise de risque sont rarement valorisés. Mais ne nous leurrons pas : on sait aussi être très critique envers le succès. Comme si tout ce qui sortait du cadre était un peu dérangeant, alors que cela peut être, pour beaucoup, source d’inspiration.

🎙Bon fini de parler de l’échec et du passé : parlons de ton présent. Tu as récemment si je ne m’abuse actualisé ton profil LinkedIn. Tu nous en dis plus ?

Je dirige depuis juin 2021 Digital Loire Valley. C’est l’occasion pour moi de mobiliser mes différentes expériences, d’entrepreneur, d’animateur de réseaux professionnels, et même de collaborateur d’élus.

🎙C’est quoi concrètement la Digital Loire Valley, à part “La Silicon Valley et les Châteaux en plus” ?

Digital Loire Valley, c’est la communauté des entrepreneurs qui innovent avec le numérique en Centre-Val de Loire. Concrètement, nous accompagnons les entreprises de la French Tech, mais aussi de la French Fab (industriels), dans leur croissance. Cela passe par un travail d’animation, de mise en relation, de déploiement de programmes dédiés.

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🎙Quels sont tes principaux challenges à la Digital Loire Valley ?

L’association s’est créée début 2021 et j’en suis le premier salarié. Il y a donc tout à construire ! Je dois fixer les priorités, structurer, faire connaître la marque, mobiliser les entreprises sur le territoire, monter les événements… L’objectif est de faire de Digital Loire Valley l’interlocuteur de référence pour tous les sujets liés au numérique en région Centre-Val de Loire, et ce dès 2022.

🎙Est-ce que ton aventure Keradom va te / te sert au quotidien dans tes nouvelles missions ?

Absolument, car diriger Digital Loire Valley, c’est comme faire décoller une startup ! Adopter une logique de test & learn, faire des arbitrages contraints, bootstrapper… Je suis aussi davantage en capacité d’accompagner les entrepreneurs sur des aspects précis, comme le business model, le product management, le marketing opérationnel…

🎙Et enfin, un conseil à partager avec un entrepreneur dont la boite serait en train de “se casser la gueule” ?

Réunis les personnes en qui tu as le plus confiance et parles-en ouvertement avec elles. Ça semble contre-intuitif, mais ça peut être salutaire. 


Merci Guillaume pour cet échange et au plaisir de te recroiser ici ou là ! 😃

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